Pourquoi le cerveau préfère se connecter au stress
On se demande parfois pourquoi on est plus rapides à se connecter au stress qu’à la détente. On va voir pourquoi il s’agit d’une question de gestion de la survie… qui ne fait pas franchement appel à la conscience !
Nous sommes les meilleurs, les plus beaux, les plus intelligents, trônant au sommet de la pyramide de la hiérarchie animale : Homo sapiens. En latin, cela veut dire « homme savant »… un peu comme dans singe savant, en mieux. Je plaisante… mais peut-être pas tant que ça. En tout cas, il y a quelque chose que cela ne veut pas dire, c’est homme sage… Cela fera sans doute l’objet d’autres discussions.
Les versions concernant le chemin qui nous a placés là sont diverses. L’une des plus traditionnelles, aujourd’hui, est la théorie de l’évolution. En partant d’animaux carrément primitifs ou « sous-développés », grâce au hasard des circonstances et à la loi du plus fort – ou du plus malin – il y aurait eu une sorte de perfectionnement et de spécialisation. Arriver en haut de l’échelle aurait consisté, biologiquement, à ajouter des fonctions toujours plus pointues et précises à un modèle de base relativement grossier. C’est un peu comme les voitures chez les concessionnaires, avec des packs comportant plus ou moins d’options !
D’autres versions font appel à des importations venues d’ « ailleurs », sous forme de mixité et de croisements… Je ne suis pas très calée sur ce sujet, mais je me demande si par rapport à cela, nous sommes réellement au sommet de la pyramide ou bien plutôt près de sa base. Ne connaissant pas la biologie extraterrestre, je fais l’impasse sur cette approche là.
Donc, sans faire Biologie Bac + 10, on peut dire que tous les organismes vivants – de celui qui n’est composé que d’une seule cellule jusqu’à l’homme – disposent d’au moins quatre grandes fonctions de base : la respiration, la digestion, l’excrétion et la reproduction. Ce sont d’ailleurs des fonctions qui s’exécutent avec la précision d’une horloge et à l’insu de notre plein gré (si on est équipé d’une conscience), en tout cas tant qu’il y a de la bonne santé. Ces quatre fonctions sont nécessaires et indispensables à la survie 1) de l’individu, 2) de l’espèce, et font l’objet d’une attention toute particulière. Attention inconsciente que l’on nomme aussi régulation métabolique. Heureusement que la biologie ne nous a pas délégué la tâche consciente de surveiller ces fonctions… imaginez les conséquences possibles d’un moment d’inattention ! Au fur et à mesure que l’on grimpe dans la hiérarchie animale, de nouvelles fonctions, tout aussi indispensables à la vie, se sont développées avec l’apparition des organes leur correspondant.
Tout cela pour dire que dans notre cerveau d’êtres humains, il y a plusieurs couches chargées de tâches de « niveaux » différents et qui correspondent à des niveaux de spécialisation au fur et à mesure de l’évolution. Un peu comme des poupées russes ou comme un gâteau à étages, genre pièce montée. L’analogie de la pièce montée est intéressante : la base est plus importante et le sommet est plus léger… alors que l’homme pense qu’il est tout le contraire. Quel vantard ! Il s’imagine équipé d’un gros cortex avec une grosse intelligence et de beaucoup moins de fonctions primitives et instinctives. Les psychologues leur disent pourtant bien que leur conscient représenterait la partie émergée d’un iceberg et leur subconscient la partie immergée… on se rapproche des proportions de la pièce montée.
On pourrait dire, schématiquement, que nous avons trois « niveaux » de cerveau.
Le premier niveau, dit cerveau reptilien ou encore primitif, ne pense pas : il constate qu’un événement, une circonstance représentent un danger – ou pas – et il est en prise directe sur le métabolisme pour lui donner l’ordre de déclencher l’alarme, de se préparer à l’action (fuite ou confrontation) ou bien de ne pas bouger, tout va bien. C’est un cerveau extrêmement rapide qui bat notre beau cortex à plates coutures. Il est la grosse base de la pièce montée.
Le deuxième niveau est celui du cerveau mammifère ou encore émotionnel. Pas sentimental. Émotionnel. C’est le royaume des sensations, des ressentis. Son outil d’expression est également le métabolisme, la physiologie. Les ressentis sont des états physiologiques. Lourdeur, raideur, agitation, calme, … Et puis un peu plus complexes – et humains – colère, tristesse, joie, honte, culpabilité, …
Le troisième niveau de cerveau est le cortex. C’est le monde des idées, de l’abstraction. De l’intégration, de l’étiquetage et du classement de tout ce qui est porté à notre connaissance via nos cinq sens et nos sensations internes. C’est un cerveau sans affects. C’est un cerveau lent… même quand on a mille idées à la seconde. Infiniment plus lent que le cerveau reptilien.
Imaginons rouler sur une route assez étroite et sinueuse, à la campagne. Une belle balade. C’est en automne, les arbres sont habillés de leurs couleurs de saison et il pluviote. Au débouché d’un tournant, une grosse voiture rouge qui fonce à vive allure en plein milieu de la route va, de toute évidence, nous percuter de plein fouet. Alors le cerveau reptilien, courtois, dirait au cortex : « Toi qui as passé le permis de conduire et qui a un esprit d’analyse aiguisé, voudrais-tu choisir ce qu’il convient de faire là, tout de suite ? » Le cortex va voir que sur la gauche il y a un bois avec des arbres qui bordent la route et que sur la droite, c’est un champ labouré mais avec un gros fossé au-delà du bas-côté, alors il se tâte pour faire le meilleur choix… et boum, la collision s’est déjà produite ! Dans la réalité, quand le cerveau reptilien voit la mort qui lui fonce dessus, il met un grand coup de volant. Peu importent les arbres, le fossé, pour lui, c’est tout sauf la mort encastré dans une grosse bagnole rouge ! Et s’il y a un peu de casse, dans les arbres ou dans le fossé, eh bien il saura réparer des os cassés, stopper des hémorragies… bref réparer les dégâts. Le cerveau émotionnel il est où, dans tout ça ? Eh bien il a eu la peur de sa vie… mais “longtemps” après que le cerveau reptilien ait pris les choses en mains.
Conclusion de l’incident : Finalement la voiture a bien mordu le bas-côté, mais n’est pas allée jusqu’au fossé, ouf ! Le propriétaire des trois cerveaux a été un peu secoué, mais s’en sort sans séquelles physiques à long terme (juste quelques bleus et un cou endolori). Le grand gagnant est le cerveau reptilien, il est toujours vivant et il va gérer les contusions tranquillement avec un peu de repos… Le cortex, il a rien compris, il a rien vu, c’est allé beaucoup trop vite pour lui, donc il n’a pas eu le temps de « classer le dossier », autrement dit, il n’a pas pu rationnaliser, mettre en perspective, analyser froidement. Le cerveau émotionnel, il a retenu que voiture + rouge + automne + pluie = grosse, très grosse frayeur.
Notre conducteur va se dire – une fois son cœur et tout le reste calmés – : « Ouf, je l’ai échappé belle ! » et il va reprendre sa route. Longtemps après que cet incident soit complètement oublié, il ne saurait pas trop dire pourquoi, il n’a pas de raison précise, mais… il n’aime pas trop le rouge. Et se mettre au volant par temps pluvieux le met vaguement mal à l’aise – enfin plus que cela ne le devrait objectivement – et puis l’automne, c’est vraiment une saison qui ne l’emballe pas. Eventuellement son cortex, qui a besoin de tout expliquer, lui fournira de bonnes raisons bien rationnelles ou le fera entrer dans une case statistique pour qu’il puisse se décréter « normal »… laissant le cerveau reptilien et le cerveau émotionnel s’associer et combiner leurs forces dans une vigilance accrue envers tout ce qui est rouge, pluvieux et automnal… on ne les y reprendra plus, c’est une question de survie.
Pourquoi avons-nous une tendance naturelle à nous focaliser plus facilement sur les choses dangereuses que sur les choses agréables ? Parce que notre cerveau reptilien, avec son associé le cerveau émotionnel, veillent au grain, et que si tout va bien, ils n’ont aucune raison de nous alerter et de prendre la main. Comme les maîtres nageurs qui sélectionnent préférentiellement, dans leur environnement, les signaux qui font penser à une noyade plutôt qu’à une joyeuse partie de ballon de plage. Il y a des associations dans notre cerveau qui sont spécialisées dans ces filtrages. Au nom de notre survie.
On verra ailleurs comment cela peut devenir un vrai handicap – c’est une manière douce de dire que cela peut pourrir la vie – pour une personne.
Crédit photo (image à la une) : Wikipédia